Grippe espagnole

La grippe espagnole représente l’une des plus grandes pandémies de grippe du XXème siècle. Survenue en 1918, elle a provoqué plusieurs dizaines de millions de morts dans le monde. Les pandémies de grippe résultent d’une grande évolution du virus d’une année sur l’autre associée à une forte virulence du virus. La gravité des infections et le risque de décès sont liés aux complications de la grippe.

Qu'est-ce que la grippe espagnole ?

La grippe est une pathologie respiratoire due à l’infection par un virus de la famille des Orthomyxoviridae, le virus influenza. Les virus grippaux pathogènes pour l’homme appartiennent à deux groupes : le groupe A ; le groupe B. 

La grippe saisonnière est une infection bénigne dans la plupart des cas, mais elle peut provoquer des complications graves, voire la mort chez certaines personnes à risque :

• les jeunes enfants ;
• les personnes âgées ;
• les personnes atteintes de maladies chroniques respiratoires ou non. 

Les épidémies de grippe touchent chaque année les pays de l’hémisphère Nord entre octobre et avril et les pays de l’hémisphère Sud entre avril et octobre. Certaines années, les épidémies se transforment en pandémies qui touchent une grande proportion de la population dans tous les pays du monde. La survenue de pandémie est associée à la capacité du virus de la grippe à évoluer très rapidement.

Le virus de grippe possède un matériel génétique (génome) qui évolue très rapidement, par deux mécanismes :

• Une évolution par glissement antigénique : des mutations se produisent dans les gènes et entraînent des modifications mineures du virus. Une personne qui a déjà contracté la grippe précédemment est partiellement immunisée contre le virus. Les épidémies de grippe sont alors mineures ou de moyenne importance. 
• Une évolution par cassure à l’origine des pandémies.

Grippe espagnole : les pandémies de grippe

L’évolution par cassure du virus de la grippe est à l’origine des grandes pandémies de grippe. Cette évolution du matériel génétique du virus concerne les virus du groupe A. Les altérations du génome sont alors plus importantes avec des substitutions de certaines protéines par d’autres. Ces profondes modifications génétiques génèrent un nouveau virus très différent de celui d’origine.

Ce nouveau virus peut entraîner une pandémie s’il présente certaines caractéristiques :

• une apparition brutale ;
• une forte virulence ;
• une forte capacité de transmission donc une forte contagiosité ;
• une grande résistance. 

Plusieurs pandémies de grippe ont déjà eu lieu par le passé :

• la grippe espagnole en 1918 (20 à 100 millions de morts) ;
• la grippe asiatique en 1957 (4 millions de morts) ;
• la grippe de Hong Kong en 1968 (2 millions de morts). 

À ces pandémies issues de cassure génétique, certaines grandes épidémies résultent de la réémergence d’un ancien virus. Ce fut le cas de la grippe russe en 1977 due à un virus disparu en 1957.

Les virologues estiment le risque de pandémies à 3 par siècle.

Grippe espagnole : un cas particulier

Pandémie plus meurtrière que la première guerre mondiale

La désignation grippe espagnole provient du fait que l’Espagne a été le premier pays à mentionner cette pandémie de grippe. La grippe espagnole de 1918 et 1919 fut une pandémie de grippe qui toucha près d’un milliard de personnes et entraîna entre 20 et 100 millions de morts dans le monde selon les différentes estimations. Elle représente ainsi la pandémie la plus meurtrière de l’histoire avec la pandémie de peste noire au XIVème siècle. Elle fit plus de victimes que la première guerre mondiale qui s’achevait.

En France, entre 165 000 et 400 000 décès sont avancés, soit 100 à 300 morts par jour au plus fort de l’épidémie. Au contraire des épidémies habituelles qui sont dangereuses surtout pour les jeunes enfants et les personnes âgées, la grippe espagnole a surtout provoqué des décès chez les personnes entre 20 et 40 ans. Plusieurs artistes périrent des suites de la grippe espagnole : Guillaume Apollinaire, Egon Schiele ou encore Edmond Rostand.

Virus H1N1 à l’origine de la grippe espagnole

Jusqu’à récemment, l’origine exacte de cette pandémie demeurait inconnue. De récentes études ont montré que cette pandémie aurait résulté d’un virus H1N1, les épidémies des années précédentes étaient dues à des virus H3N8. Le virus de la grippe espagnole serait né de la combinaison d’une souche de grippe saisonnière H1N8 présente entre 1900 et 1917 et d’une souche de grippe aviaire de type N1.

Ce virus aurait eu pour origine une population de canards sauvages de la région de Canton en Chine. Des soldats américains contaminés en Chine auraient rapporté le virus dans l'état du Kansas dans le Nord-Est des USA. Le virus se serait ensuite propagé très rapidement aux USA, en Amérique du Nord et du Sud, en Europe puis en Afrique et en Asie. Le virus de la grippe espagnole aurait donc été l’ancêtre de la grippe H1N1 qui a fait craindre une pandémie en 2009.

La grippe espagnole présentait trois grandes caractéristiques :

• une sévérité et un taux de mortalité très élevé pour une grippe, en moyenne d'environ 3 % ;
• une très forte contagiosité ;
• une très forte atteinte de la population des 20-40 ans qui n’avaient jamais été exposés à un virus de type N1. 

La plupart des décès furent liés à une surinfection bactérienne qui survenait 4 à 5 jours après l’infection et entraînait le décès en une dizaine de jours. Les conditions sanitaires et l'inexistence des antibiotiques permettent d'expliquer la forte mortalité de l'infection. La mortalité de cette grippe fut ainsi multipliée par 25 par rapport aux épidémies classiques de grippe.

L’épidémie de grippe espagnole s’est répandue très rapidement à cause des mouvements de troupes liés à la seconde guerre mondiale et des échanges commerciaux avec les colonies.